Les perturbateurs endocriniens et le comportement de nos enfants

Les perturbateurs endocriniens et le comportement de nos enfants


De nos jours, nombreux sont les enfants qui souffrent de troubles de comportement tels que l’hyperactivité, l’excitation, l’agitation, l’instabilité, les troubles de l’attention. Beaucoup de facteurs dans notre environnement (la télévision, le stress, les troubles de sommeil, les carences éducatives, la consommation de substances psychoactives (cannabis, alcool, tabac) par les parents ...) peuvent altérer et perturber le comportement de nos enfants et contribuer à l’apparition de sérieuses pathologies comportementales. Ces troubles handicapent beaucoup d’enfants dans leurs relations sociales et dans leurs apprentissages. Les perturbateurs endocriniens sont capables d’interférer avec notre système hormonal et d’induire ainsi des troubles de développement du système nerveux et du développement cognitif. De ce fait, ils sont de loin les premiers suspectés d’être impliqués dans les troubles comportementaux.

Parmi les perturbateurs endocriniens les plus incriminés dans les troubles comportementaux chez l’enfant figurent les substances auxquelles nous sommes les plus exposés: les pesticides, le bisphénol A, les phtalates et le triclosan. Ces polluants sont partout: dans l’alimentation, l’eau, les cosmétiques, les matières plastiques, les matériaux du quotidien ... (comme expliqué et détaillé dans mes précédents articles sur les PE).

Dans ce contexte, des études montrent que l’exposition prénatale aux pesticides cause des effets retardés sur le développement cérébral des enfants : diminution des capacités intellectuelles [1], réduction des fonctions motrices, diminution de l’acuité visuelle, déficits visuo-spatiaux, réduction de la mémoire à court terme et troubles de l’attention [2], difficultés de concentration et des habiletés graphiques, diminution des réflexes [1]. De plus, les enfants exposés aux pesticides sont plus agressifs, jouent moins en groupe, sont moins créatifs dans leurs jeux [3], moins réactifs aux stimuli de l’environnement, répondent moins bien aux tests comportementaux [1]. Tout en sachant que près des deux tiers de ces pesticides sont des perturbateurs endocriniens suspectés (comme avancé dans le rapport de génération future [4]) et que l’alimentation est la principale source de contamination par les PE [5], ces données laissent penser que les troubles du comportement chez l’enfant sont fortement corrélés à l’exposition prénatale aux pesticides.

Par ailleurs, une étude épidémiologique récente réalisée sur 529 garçons montre que l'exposition des mères pendant la grossesse au bisphénol A, au triclosan et au di-n-butyl phtalate ou DBP est associée à des troubles du comportement chez leurs enfants entre trois et cinq ans. En effet, l'exposition prénatale au bisphénol A est associée à une augmentation des troubles relationnels à 3 ans et des comportements de type hyperactif à 5 ans. L'exposition au DBP est associé à davantage des troubles émotionnels et relationnels incluant le comportement de repli à 3 ans, mais pas à 5 ans pour les troubles émotionnels. Les auteurs de cette étude ont mis également en évidence une corrélation entre l'exposition au triclosan et une augmentation des troubles émotionnels à 3 et 5 ans. Ainsi, ces résultats confirment les études toxicologiques in vitro et chez l’animal qui ont montré que ces composés étaient des perturbateurs endocriniens et pouvaient interagir avec des systèmes hormonaux impliqués dans le développement normal du système nerveux central [6], [7].

Au vu de ces données, les perturbateurs hormonaux semblent altérer ce qui fait de nous des êtres humains : notre intelligence, notre comportement, notre aptitude à vivre en société... Malheureusement, nos enfants qui sont notre avenir, notre espoir, sont au premier rang des personnes vulnérables à ses substances exogènes surtout pendant la vie fœtale. Un enfant sur huit en France souffre de troubles mentaux (les troubles du comportement, les troubles anxieux, les troubles de l’humeur, l’autisme…) [8]. D’après l’OMS (Organisation mondiale de la santé), les troubles mentaux devraient augmenter de 50 % en 2020 devenant alors l’une des cinq principales causes de morbidité chez l’enfant dans le monde [9]. En attendant la publication de nouvelles statistiques, les chiffres réels de ces troubles ne devraient pas démentir ces prévisions. C’est pourquoi la prudence s’impose à fin d’éviter l’éventuelle exposition à ces xénobiotiques. Il convient aussi d’agir en diffusant l’information scientifique autour de nous pour faire face à ce fléau grandissant.


[1] Savouret JF., Bard D. et Picot A. Perturbateurs hormonaux. Hormones, santé publique et environnement. Académie des sciences, 2008, pages 193-221.

[2] Quignot N., Barouki R. et Lemazurier E. Perturbation endocrinienne et évaluation du risque pour la reproduction humaine : entre défis scientifiques d’aujourd’hui et enjeux de demain. Environnement Risque Santé, 2011 ; 10 , pages 454-68

[3] Guillette E. , Meza M. , Aquilar M. , Soto A.et al. An Anthropological Approach to the Evaluation of Preschool Children Exposed to Pesticides in Mexico. Environmental Health Perspectives, 1998 , 106, pages 347-353.

[4] https://www.generations-futures.fr/wp-content/uploads/2018/09/rapport-exppert-10-efsa-residus-pe-alimentation-310818.pdf

[5] https://www.santepubliquefrance.fr/presse/2016/premiere-etude-nationale-sur-l-exposition-des-femmes-enceintes-aux-polluants-organiques

[6] Philippat C., Nakiwala D., Calafat A., Botton J. et al. Prenatal Exposure to Nonpersistent Endocrine Disruptors and Behavior in Boys at 3 and 5 Years. Environmental Health Perspectives, 15 September 2017. En ligne: https://doi.org/10.1289/EHP1314

[7] Communiqué - Salle de presse INSERM. Exposition prénatale aux perturbateurs endocriniens et troubles du comportement des enfants. En ligne: https://presse.inserm.fr/exposition-prenatale-aux-perturbateurs-endocriniens-et-troubles-du-comportement-des-enfants/29573/

[8] http://www.psydoc-france.fr/professi/INSERM/2002_dp_troubles_mentaux_EnfAdosCP.pdf

[9] Bailly D., Bouvard M., Casadebaig F., Corcos M. et al. Troubles mentaux : dépistage et prévention chez l’enfant et l’adolescent. Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), 2017. En ligne: https://hal-lara.archives-ouvertes.fr/hal-01570673/document




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