Les perturbateurs endocriniens dans l’eau

 Les perturbateurs endocriniens dans l’eau



L’eau, élément vital, indispensable pour toute forme vie, est malheureusement contaminée par les perturbateurs endocriniens. Parmi ces polluants, on distingue principalement certains médicaments à usage humain et vétérinaire et certains pesticides.

En ce qui concerne les substances pharmaceutiques, ce sont principalement les hormones stéroïdes d’origine naturelle et synthétique. Les premières sont utilisées notamment pour le traitement des symptômes de la ménopause, alors que les secondes sont employées comme contraceptifs. L’éthinyl-estradiol associé à un progestatif de synthèse est l’hormone synthétique la plus souvent utilisée dans la pilule, la méthode contraceptive la plus répandue dans le monde. Ces stéroïdes naturels et synthétiques sont responsables de la majeure partie de l’activité œstrogénique des effluents municipaux [1]. De nombreuses études ont mis en évidence la présence de résidus de médicaments, en particulier les hormones, dans les eaux de surface dans plusieurs régions du monde [2].

La principale voie d’accès des médicaments à l’environnement est le rejet dans les eaux usées [3]. Avalées et excrétées dans les urines ou les fèces, imparfaitement éliminées dans les stations d’épuration des eaux usées, ces molécules vont se trouver dans les milieux aquatiques et par la suite dans l’eau qu’on boit. De plus, les médicaments non utilisés qui ne sont pas remis aux pharmaciens afin de suivre la voie de destruction sont jetés à la poubelle, dans l’évier ou les toilettes par le consommateur. A ces rejets, s’ajoutent les excrétions des médicaments par les animaux via les urines et les selles dans les exploitations agricoles. Ces résidus de médicaments vétérinaires contaminent ensuite le sol et les eaux de surface et souterraines par ruissellement à la suite des pluies.

En France, selon l’Anse (l’agence nationale de sécurité sanitaire), l’analyse d’environ 280 échantillons d’eaux traitées révèle que 25% d’entre eux contiennent une à quatre molécules quantifiables (antibiotiques, antalgiques, anti -inflammatoires, hormones…) à des concentrations extrêmement faibles de l’ordre du nanogramme (un milliardième de fois moins que le gramme) [4]. Même si les quantités de résidus de médicament détectées dans l’eau de robinet sont infimes, l’exposition cumulative, à long terme de l’ensemble de la population n’est pas sans risques, surtout quand il s’agit de l’exposition des personnes les plus vulnérables (les femmes enceintes et leurs fœtus, les bébés, les enfants, les personnes âgées…). Actuellement, les données concernant les effets néfastes sur la santé humaine de faibles doses de médicaments manquent encore. Cependant, la présence de traces de médicaments, notamment les hormones, dans l’eau potable est préoccupante, étant donné que pour les perturbateurs endocriniens, c’est la période d’exposition qui fait le poison et pas la dose [5].

La contamination des eaux de surface (les océans, les mers, les lacs, les cours d’eau...) par les résidus de produits pharmaceutiques est également alarmante vue le risque encouru par la faune aquatique. Des phénomènes de féminisation et des troubles de la reproduction ont été observés particulièrement chez les poissons exposés aux hormones présents dans leurs milieux de vie [3].

L’eau est contaminée également par les pesticides qui comptent parmi les principales causes de pollution.

En France, le ministère de l’écologie et le ministère des Affaires Sociales et de la Santé ont publié respectivement leurs rapports: « L’essentiel sur les eaux. Pesticides les plus quantifiés dans les cours d’eau et dans les eaux souterraines en 2013. » [6] et « Bilan de la qualité de l’eau au robinet du consommateur vis-à-vis des pesticides en 2014 » [7].

L'association générations futures (ONG) révèle malheureusement après avoir effectué l’analyse des résultats de ces deux enquêtes officielles [6] que:

- 73,3% des pesticides (ou leurs produits de dégradation) les plus quantifiés dans les eaux de surface (soit 11/15) en métropole en 2013 sont suspectés d’être des perturbateurs endocriniens (PE).

- 53,3% des pesticides (ou leurs produits de dégradation) les plus quantifiés dans les eaux souterraines en métropole en 2013 sont suspectés d’être PE, soit 8 des 15 molécules classées.

- Pour l’eau du robinet, ce sont : 50% des pesticides (ou produits de dégradation) à l’origine du classement en situation de non-conformité de plus d’une Unité de distribution d’eau potable en 2014 qui sont suspectés d’être PE (soit 18 sur 36).

Parmi les pesticides les plus détectés, depuis 2009, dans les cours d’eau de France métropolitaine, on trouve le glyphosate, l’AMPA (principal produit de dégradation du glyphosate) et l’atrazine déséthyl (produit de dégradation de l’atrazine) [8]Dans les eaux souterraines, l’atrazine, pourtant interdite dans l’Union européenne depuis 2003, reste en tête des pesticides retrouvés [9]. De plus, ce pesticide ainsi que ses métabolites, notamment l’atrazine-déséthyl, sont principalement à l’origine de dépassements récurrents de la limite de qualité de l’eau destinée à la consommation humaine fixée par la réglementation, et par conséquent à l’origine de classement en situation de non conformité [10]Ces deux molécules ainsi que leurs métabolites, les plus fréquemment quantifiés dans les eaux, sont soupçonnées d’être des PE. Une étude de l’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) démontre que l’ Atrazine empêche le développement normal du fœtus chez des femmes enceintes exposées à ce pesticide [11]. L’association Génération Futures s’inquiète suite à la publication de cette étude et souligne que l’exposition à ce perturbateur endocrinien entraînait un sur-risque de 50 % supplémentaire d’avoir un enfant de faible poids et un sur-risque de 70 % supplémentaire d’avoir un enfant avec un petit périmètre crânien [12]Une autre étude publiée dans la revue Environmental Health a mis en évidence que l’exposition à de faibles doses de glyphosate affecte le développement et l’équilibre hormonal chez des rats, depuis le stade fœtal jusqu’à l’âge adulte [13].

La présence de résidus de médicament et ou de pesticides dans l’eau, même à de très faibles concentrations, constitue un danger réel pour l’homme et pour l’environnement, étant donné qu’une partie non négligeable de ces molécules est considérée comme perturbateur endocrinien potentiel. Pour faire face à ce danger, des mesures préventives devraient être mises en place, notamment:

- la sensibilisation du public à la réduction de la surutilisation et des mauvais usages des médicaments (par exemple rapporter les médicaments non utilisés aux pharmacies pour recyclage).

- l’amélioration des techniques de traitement des eaux usées.

- la réduction de l’utilisation des médicaments en agriculture au strict nécessaire.

- l’interdiction des pesticides de synthèse et l’utilisation de produits au principe actif 100% d’origine naturelle.


[1] https://www.usherbrooke.ca/environnement/fileadmin/sites/environnement/documents/Ouvrages_de_reference/Art_Technique_Effluents_municipaux-Mars_2013.pdf

[2] https://www.acadpharm.org/dos_public/Rapport_Medicaments_Environnement_2019.04.24_VF.pdf

[3] Bazard O. Les médicaments dans les eaux: présence et impact écotoxicologique. Exemple de trois molécules: ibuprofène, carbamazépine et ethinyl-estradiol. Thèse pharm: Université Henri Poincare - Nancy1, 2011. En ligne:

http://docnum.univ-lorraine.fr/public/SCDPHA_T_2011_BAZARD_OLIVIER.pdf

[4] https://www.anses.fr/fr/system/files/LABO-Ra-EtudeMedicamentsEaux.pdf

[5] https://www.generations-futures.fr/wp-content/uploads/2018/09/rapport-exppert-10-efsa-residus-pe-alimentation-310818.pdf

[6] https://www.generations-futures.fr/wp-content/uploads/2017/01/EXPPERT-8-final.pdf

[7] https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/bilan_pesticides_eau_2014.pdf

[8] https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-25719-chiffres-pesticides-cours-eau.pdf

[9] https://www.generations-futures.fr/wp-content/uploads/2019/03/pesticides-et-biodiversite_web.pdf

[10] https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/bilan_pesticides_eau_2014.pdf

[11] Chevrier C., Limon G., Monfort C., Rouget F. et al. Urinary Biomarkers of Prenatal Atrazine Exposure and Adverse Birth Outcomes in the PELAGIE Birth Cohort. Environmental Health Perspectives, 2011, 119(7), pages: 1034–1041. En ligne: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3222984/

[12] https://www.generations-futures.fr/publications/pesticides-parkinson-alzheimer-autres-troubles-neurologiques/

[13] Manservisi F., Lesseur C., Panzacchi S., Mandrioli D. et al. The Ramazzini Institute 13-week pilot study glyphosate-based herbicides administered at human-equivalent dose to Sprague Dawley rats: effects on development and endocrine system. Environmental Health, 2019 Mar 12;18(1):15. En ligne: https://ehjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12940-019-0453-y#Abs1









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