Les perturbateurs endocriniens dans les matières plastiques et les matériaux du quotidien
Le plastique a désormais envahi notre quotidien. Bouteilles, sacs, emballages alimentaires, ustensiles de cuisine tout comme la plupart de nos objets de la vie courante sont élaborés à partir de cette matière issue généralement de la pétrochimie.
Ce matériau très peu biodégradable pollue l’air qu’on respire, l’eau qu’on boit et s’invite à nos assiettes par le biais des emballages alimentaires ou encore les produits de la mer contaminés par les déchets de plastique déversés dans les océans. C’est ce qu’a confirmé une équipe de chercheurs de l’université de médecine de Vienne, en Autriche. Ils ont révélé la présence de microparticules de plastique dans des échantillons de selles de huit personnes vivant dans des pays différents [1]. Ainsi, on comprend que le plastique intègre la chaîne alimentaire et finit dans le tube digestif des humains. Nous mangeons malheureusement du plastique!
Un matériau plastique est constitué de polymères auxquelles sont ajoutés généralement différents additifs (plastifiants, colorants, catalyseurs, durcisseurs, stabilisants…) dont certains d’entre eux sont des perturbateurs endocriniens. Parmi ces additifs, deux substances sont le plus souvent pointées du doigt: le bisphénol A et les phtalates.
Le bisphénol A (BPA): est une substance chimique de synthèse entrant dans la composition de plastique (biberon, contenants alimentaires, ustensiles de cuisine, jouets…) et de résines tapissant l'intérieur des conserves alimentaires et canette. Il a la capacité de migrer du contenant vers l'aliment. Il a été identifié comme perturbateur endocrinien du fait de sa capacité de se fixer aux récepteurs œstrogéniques et interdit en France depuis janvier 2015 dans tous les contenants alimentaires. Son utilisation est remise en cause car il a été reconnu comme étant un perturbateur endocrinien mais également un reprotoxique, cancérogène et perturbateur de la balance énergétique (« obésogène») chez les rongeurs [2]. De nombreuses études expérimentales et épidémiologiques suggèrent que le BPA est susceptible de provoquer des effets néfastes, même en très faible quantité [3].
Le BPA a été remplacé par d'autres bisphénols notamment le bisphénol S. Beaucoup de produits sur le marché sont labellisés "sans bisphénol A" alors qu'ils contiennent d'autres bisphénols pour lesquels peu de données toxicologiques existent et aucune étude ne prouve leur innocuité. Ces substituts pourraient induire les mêmes effets néfastes sur notre santé que le BPA pour la simple raison que ce sont des analogues structuraux. En fait, une étude publiée dans la revue "Fertility and Sterility" montre que l’exposition in vitro des testicules fœtaux humains aux bisphénols S ou F réduit la production de testostérone, de façon tout à fait identique à la réduction provoquée par le bisphénol A [4]. Une étude plus récente montre que le BPS présente un effet obésogène égal au BPA en provoquant une accumulation de lipides et une augmentation de l’expression des gènes adipogéniques [5].
Les phtalates sont des composés chimiques utilisés comme plastifiant des matières plastiques en particulier du polychlorure de vinyle (PVC) (films étirables alimentaires, emballages, rideaux de douche, textiles imperméables, cuirs synthétique, jouets, consoles de jeux…). Ce dernier correspond au plastique numéro 3. On peut le reconnaître grâce à ce sigle:. Ils sont utilisés également comme fixateurs dans de nombreux produits cosmétiques (vernis à ongles, laques pour cheveux, parfums, déodorants, shampoings, savons…). De plus, les phtalates entrent dans la composition de nombreux matériaux domestiques tels que peinture, vernis, câbles, tuyaux, revêtements de sol...Ils sont présents dans certains médicaments et dans les plombages dentaires.
L'exposition aux perturbateurs endocriniens notamment les phtalates est l'une des causes possibles de la cryptorchidie (la localisation anormale et inaboutie du testicule, censé migrer dans les bourses en fin de grossesse), pathologie fréquente et d'incidence croissante. Une étude suggère que les phtalates inhibent l'activité de RXFP2 (récepteur de l'hormone INSL3, impliqué dans la descente testiculaire) [6]. Cette anomalie de la migration des testicules expose à l'âge adulte à deux risques: l'infertilité et le cancer du testicule. De plus, des données de certaines études ([7], [8]) soutiennent l’hypothèse que chez l’homme l'exposition prénatale aux phtalates provoque une réduction de la distance anogénitale chez le garçon, une cryptorchidie et une diminution de la taille du pénis.
L'impact de ces perturbateurs endocriniens n'épargne pas le comportement de nos enfants. Plusieurs études ont établi un lien entre l’exposition aux perturbateurs hormonaux et les troubles de comportement chez les petits. Je vous invite à lire mon article intitulé « Perturbateursendocriniens et le comportement de nos enfants ».
Outre les effets néfastes potentiels sur la santé humaine, les déchets de plastique répandus dans l’environnement et par conséquent les perturbateurs endocriniens qu’ils libèrent présentent un risque pour la faune et la flore et menacent la biodiversité.
[2] Ivry-Del Moral L., Le Corre L., Gaire K., Hélies C. et al. Effet obésogène des bisphénols A et S chez la souris C57Bl/6. Nutrition clinique et métabolisme, 2014, Volume 28, Supplement 1, Page S78. En ligne: https://doi.org/10.1016/S0985-0562(14)70662-4
[3] https://bvs.anses.fr/sites/default/files/BVS-mg-024-Robin.pdf
[4] Eladak S., Grisin T., Moison D. , Guerquin M.J. et al. A new chapter in the bisphenol A story: bisphenol S and bisphenol F are not safe alternatives to this compound. Fertil Steril. , 2015, 103(1):11-21.
[5] Boucher J.G., Ahmed S., Atlas E. Bisphenol S Induces Adipogenesis in Primary Human Preadipocytes From Female Donors. Endocrinology, 2016,157(4), pages: 1397-1407.
[6] Lebault M., Gourdin L., Henrion D. Chabbert M. et al. Les phtalates inhibent la signalisation de RXFP2, le récepteur de l’INSL3. Annales d'Endocrinologie, 2015, Volume 76, Issue 4, Page: 366.
[7] Swan S.H., Main K.M., Liu F., Stewart S.L. et al. Diminution de la distance anogénitale chez les nourrissons de sexe masculin avec exposition prénatale au phtalate. Environ Health Perspect, 2005, 113 (8), pages: 1056- 1061. En ligne: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1280349/
[8] Swan S.H. Environmental phthalate exposure in relation to reproductive outcomes and other health endpoints in humans. Environ Res, 2008, 108(2), pages: 177–184. En ligne: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2775531/
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